Histoire de la Suisse

République Helvétique et Acte de Médiation (1798-1815)

La Suisse est la plus ancienne démocratie du monde - mais un regard plus attentif sur son histoire révèle que cela n'est pas vrai pour la majorité du territoire, et en particulier pas pour la Suisse Romande. L'histoire du changement vers une vraie démocratie est celle d'une révolution armée, d'une occupation par des troupes étrangères, d'une tentative de démocratie parlementaire échouée et - à la longue - d'une régénération.

Democratie Helvètes et Romains Moyen Age Confédération Réforme
Rep. Hélvétique Constitution 1848 Industrialisation Guerres Mondiales Prospérité

Le siècle des Lumières et la philosophie politique

Dès 1500 les sciences, l'économie, la philosophie et les arts avaient toutes changé profondément. Les mathématiciens Jean Bernoulli (1667 - 1748), Daniel Bernoulli (1700 - 1782) et Leonhard Euler (tous de Bâle) ainsi que les naturalistes Johann Jakob Scheuchzer (1672 - 1733) et Horace de Saussure (1740 – 1799 – il fit la première ascension du Mont Blanc en 1787 et ce fut le commencement de l'alpinisme) sont bien connus aussi à l'étranger.

Pourtant le système politique semblait immobile. Plus précisément, le féodalisme médiéval avait assumé des formes monarchiques absolutistes, surtout en France et Autriche. En Suisse, un petit nombre de familles monopolisait le pouvoir dans le villes (Genève, Berne, Bâle, Zurich, Lucerne) et il en était de même dans les cantons ruraux.


Jean-Jacques Rousseau et son "Contrat Social"

La philosophie politique, surtout en France, proposait de nouvelles idées sur la société et l'organisation politique. Un philosophe bien connu est Jean Jacques Rousseau, né 1712 à Genève. Ses romans La Nouvelle Héloise (1761) et L’Emile (1762), et son programme démocratique "Du Contrat Social" (1762) ont exercé une influence considérable sur les esprits. Jean-Jacques Rousseau a vécu la plus grande partie de sa vie en France et il y est mort en 1788.



L'ancien régime en Suisse

La suisse avant 1798
inégalité au temps de l'ancien régime

Beaucoup de gens ont tendance à croire que la Suisse est la plus ancienne démocratie du monde. Mais ceci est seulement un aspect partiel de la vérité:

  1. Dans les petits cantons ruraux en Suisse centrale (Uri, Schwyz, Unterwalden, Glaris) et à Appenzell il existait les "Landsgemeinden", [réunions des citoyens à intervalles réguliers] où on élisait le gouvernement et décidait des affaires importantes. Mais un petit nombre de familles en dirigeait effectivement la politique.
  2. Les citoyens des villes avaient le droit d’élire leurs conseils, mais seulement les membres d'un petit nombre de familles étaient éligibles, soit sous la forme du patriciat (Berne, Soleure, Fribourg, Lucerne) ou bien sous la forme des corporations des maîtres-artisan (Zürich, Bâle, Schaffhouse).
  3. La grande majorité du peuple - les paysans des cantons de Zürich, Berne, Lucerne, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle et Schaffhouse ainsi que les habitants des territoires assujettis d’Argovie, Thurgovie et Vaud n'avaient aucun droit politique.
  4. Dans toute la Suisse on n'avait ni liberté de commerce ni liberté de presse.

Révoltes

 Diverses révoltes contre les "seigneurs" échouèrent:
  • La guerre des paysans de l'Emmental bernois et de l'Entlebuch lucernois contre les villes de Berne et de Lucerne en 1653
  • La révolte de Wilchingen contre Schaffhouse (1717 - 1729)
  • La révolte de Werdenberg contre Glaris (1719 - 1722)
  • La révolte du major Abraham Davel à Lausanne (Vaud) contre Berne (1723)
  • La révolte des paysans du Jura contre l'évêque de Bâle (1726 - 1739)
  • La révolte de la Leventina (Tessin) contre Uri (1755)
  • La révolte de Chenaux (Fribourg) contre Fribourg (1781)
Niklaus Leuenberger
meneur des paysans bernois 1653
monument à Rüderswil BE

Ce n’est qu’au Toggenburg (en 1707, contre l'abbé de St. Gall) et à Genève (1707 - 1738, contre les aristocrates) que les citoyens purent conquérir quelques nouveaux droits. Mais en 1782 une troupe de 11.000 soldats français, bernois et piémontais imposèrent par la force une restauration de l'aristocratie à Genève.


La Société Helvétique

Au 18eme siècle, de plus en plus de personnages – descendants de familles dominantes - commencèrent à débattre de nouvelles perspectives politiques. Zürich devint un centre de la littérature allemande autour de Johann Jabob Bodmer et de Johann Jakob Breitinger. Isaak Iselin de Bâle, Salomon Hirzel, Salomon Gessner et Johann Heinrich Schinz de Zürich furent les fondateurs de la Société Hélvétique en 1761 dont les membres se rencontrait chaque année à Bad Schinznach (Argovie) pour discuter ensemble l'histoire (et le futur) de la Suisse. En 1777, Johann Georg Stokar de Schaffhouse demanda dans son allocution présidentielle un état suisse non-fédéraliste et des droits égaux pour tous les citoyens de la Suisse.


La mort des mercenaires suisses pendant la Révolution Française

Le monument du lion (Löwendenkmal), Lucerne Durant plusieurs siècles, des jeunes hommes suisses, venus surtout de Suisse Centrale, s'étaient engagés comme mercenaires au service des rois français et des gouvernants italiens (princes, ducs, papes…). Pendant la Révolution Française un détachement de 800 mercenaires suisses tenta de défendre le roi contre les Montagnards [révolutionnaires radicaux] qui attaquaient le château des Tuileries en 1792. Presque tous ces malheureux soldats furent tués, parfois horriblement massacrés dans les rues avoisinantes. Le monument du Lion de Lucerne rappelle l'horrible fin de la force militaire suisse au service des rois de France (une troupe qui avait été souvent victorieuse).



La République Helvétique

La révolution en Suisse

L'histoire des révoltes en Suisse aux 17eme et 18eme siècles démontre que la révolution de 1798 en Suisse ne fut pas du tout une simple copie de la révolution française, mais plutôt la conséquence logique de la corruption du système politique en Suisse. Bien entendu, la révolution française ne fut pas sans influence; elle assuma deux fonctions:
1) prouver qu'une révolution est possible (après tous les échecs subis en Suisse)
2) jouer le rôle d’épouvantail: on pouvait menacer les récalcitrants d’une intervention française

Partout en Suisse on discutait la situation et nombreuses étaient les pétitions de la population rurale:


La Révolution Vaudoise

armoiries du Pays de Vaud
la couleur verte marque la révolution hélvétique
cf. armoiries de St. Gall, Thurgovie Dans l'histoire de la Révolution Helvétique le Pays de Vaud est le meneur des mouvements révolutionnaires et Frédéric-César de Laharpe y joua un rôle clef. Frédéric-César de Laharpe demanda publiquement une intervention française contre le régime de Berne en 1797. Un voyage de Napoléon Bonaparte par Genève, Berne et Bâle en Allemagne donna l'occasion à la population de manifester ses convictions politiques: à Nyon, Rolle, Lausanne et dans d'autres villes vaudoises une foule enthousiasmée souhaita la bienvenue à Napoléon. Les baillis bernois perdant le contrôle, le château de Chillon fut occupé par les comités révolutionnaires. Mais Berne, comme Zürich en 1795, ne voulait pas négocier, cherchant une solution militaire. Quand Berne envoya une troupe de 5 000 bernois alémaniques au Pays de Vaud, les Vaudois prirent les armes et proclamèrent la République Lémanique.

Un incident donna l’occasion au général français Ménard de déclarer la guerre à Berne et d'occuper le Pays de Vaud. Les soldats des troupes françaises furent salués comme des libérateurs. Berne voulut lever des troupes en Argovie et mettre des citoyens sous les armes contre les français - mais cela ne fit que provoquer une révolte ouverte à Aarau, Lenzbourg, Brugg et Aarburg. Les confédérés de la Suisse centrale qui avaient déjà décliné en 1579 la requête d’aide demandée par Berne (concernant la révolte du Pays de Vaud) ne donnait, une fois de plus, aucun signal de soutien. Les troupes de Berne, en nombre insuffisant, mal motivées et mal commandées, furent vaincues à Fraubrunnen et au Grauholz et la ville de Berne fut occupée et saccagée le 5 mars 1798.


La libération des autres Territoires Assujettis (1798)


La proclamation de la République Helvétique

Tricolore de la République Hélvetique 121 députés des cantons d’Argovie, Bâle, Berne, Fribourg, Léman (Vaud), Lucerne, Oberland (bernois), Schaffhouse, Soleure et Zürich se réunirent à Aarau le 12 avril 1798 pour proclamer la République Helvétique et accepter sa nouvelle Constitution. La France avait annexé Genève, Neuchâtel, Bienne, le territoire du prince évêque de Bâle (Canton de Jura) et Mulhouse (en Alsace, lieu associé a la vieille Confédération Suisse). La Valteline, Bormio et Chiavenna s'étaient déjà séparés des Grisons en juin 1797. La Constitution de la République Hélvétique était semblable à celle de la République Française, avec un parlement (deux chambres), un gouvernement (directoire) et un cour de justice supérieure. La tradition fédérale de la Suisse était éliminée.


La révolte de Nidwald

La Suisse centrale n'était pas représentée et essayait de résister au changement, une révolte à Nidwald fut réprimée en septembre 1798 avec un bilan de 368 morts, dont 102 femmes et 25 enfants. Le fameux pédagogue Jean Henri Pestalozzi fut nommé directeur de l'orphelinat de Stans qui devait s'occuper des nombreux orphelins.

Les Grisons restèrent indépendants jusqu'en 1799. Le Directoire de la République Helvétique signa un pacte d'alliance militaire avec la France. L’intention était de défendre la République contre les forces réactionnaires (surtout l'Autriche), mais en fait l'alliance avec la France engageait la République Helvétique dans les guerres de la France.


La Suisse occupée par troupes françaises, autrichiennes et russes

Le général français Napoléon Bonaparte avait conquit l'Italie dans la première guerre de la France contre la coalition de la Grande-Bretagne, l'Autriche, l'Espagne et l'Allemagne (1792 - 1797) et formé la République Cisalpine en Italie du Nord en 1797 (entre autres avec les territoires assujettis des Grisons).

En 1799, Napoléon prit le pouvoir en France par un coup d'état (dit "du 18 brumaire") Durant la deuxième guerre de la France contre la coalition de la Grande-Bretagne, l'Autriche, et la Russie (1799 - 1802) l'Allemagne du Sud, l'Italie du Nord et au centre, la Suisse, devinrent les théâtres de la guerre. Les Autrichiens gagnèrent une première bataille près de Zürich, les Français la deuxième ... pendant que le général russe Alexandre Souvorov arrivait d’Italie avec 25 000 soldats pour venir en aide aux autrichiens; mais il parvint trop tard sur le front de guerre et dut s'enfuir. Pendant les passages par le St. Gotthard, le col de Kinzigkulm (entre Uri et Muotathal/Schwyz), le col du Pragel (entre Muotathal et Glaris) et le col du Panix (entre Glaris et Ilanz GR) obstrués par la neige, Souvorov perdit 10 000 hommes. Cependant, comme adversaire de la République Hélvétique détestée en Suisse centrale, le général Souvorov est resté jusqu'à présent un héros connu et respecté.


L' échec de la République Helvétique

Comme la Révolution Française avant elle, la République Helvétique ne parvint pas à tenir ses promesses. Il y a diverses raisons à cela:

Alors les républiques gagnèrent la seconde guerre de coalition en 1799, mais elles perdirent la paix: La France devint une dictature militaire du général Napoléon Bonaparte, la République Helvétique vécut au moins quatre coups d'état entre 1800 et 1802. La décision de Napoléon de retirer les troupes françaises de la Suisse en juillet 1802 donna le signal aux fédéralistes: le premier août 1802 les citoyens de Schwyz, Nidwald et Obwald se réunirent pour la "Landsgemeinde" comme par le passé. Appenzell, Glaris et les Grisons aussi restauraient ses institutions politiques cantonales. Même la ville de Zürich s'opposa au Gouvernement helvétique. Les émigrants de l'Ancien Régime revenus chez euxet des paysans armés de bâtonset d’instrumentsagricoles attaquèrent les troupes helvétiques au cours d’une guerre civile ("Stecklikrieg", guerre des bâtons) où ils conquirent l'Argovie et Berne et avancèrent jusqu'à Payerne.



L'Acte de Médiation de Napoléon Bonaparte

A ce moment là, Napoléon intervint et donna ordre de mettre fin à la guerre civile et d'envoyer des délégations en consultation à Paris. En octobre 1802 des troupes françaises revinrent en Suisse et désarmèrent les rebelles en Suisse centrale. Napoléon avait compris que l'état centraliste n'avait aucune chance en Suisse. La Constitution élaborée par sa médiation donna la plupart des compétences au 19 cantons de la nouvelle Fédération Suisse. Tout comme avant la révolution de 1798? Pas exactement - la Suisse de l'époque de l'Acte de Médiation de 1803 avait 6 cantons nouveaux: St-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin et Vaud avec droits égaux à ceux des 13 anciens cantons. De plus, la Constitution de l'Acte de Médiation conservait le principe de l'égalité politique et devant la loi de tous le citoyens.



La Restauration

Après que Napoléon eut été battu en Russie et à Waterloo, la Suisse retourna aux structures strictement fédérales. Cependant, les cantons de St. Gall, des Grisons, d’Argovie, de Thurgovie, du Tessin et de Vaud restèrent des membres libres de la Confédération (au lieu de leur statut ancien de membres partiels (associés) ou même de territoires assujettis). Les cantons du Valais, de Neuchâtel et de Genève qui avait été annexés par la France en 1798, retournèrent dans la Confédération Suisse.



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Je remercie Claire S. pour nombreuses corrections d'orthographe et de style.




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